ŒDIPE À TANGER ▌Liliane Giraudon

ŒDIPE À TANGER Liliane Giraudon

Comme je deviens vieille fille, à manquer du courage d’aimer la mort !            
Rimbaud
Nous sommes des ratés prédestinés
Mallarmé








c’était bien (il dit) d’entrer dans cette femme là
plutôt qu’une autre
on ne peut apprendre à nager que dans l’eau
usage de l’amour sa tonalité comme expression musicale
elle dit photographe elle dit starlette
Hofmannsthal cite Byron X cite Y
une incitation au meurtre

double pénétration pour la poésie tout est inutile
se faire la main et faire des siestes
facile ou difficile X se vante d’être
à la fois classique et abordable
écrire difficile ne se traduit pas « difficilement »
comme les oies la poésie se dandine
tu sors acheter un morceau de viande
que tu feras cuire debout
tout sauf perdre la tête
les arabes aiment les chats

rester sur leur cul à fumer de l’herbe coupée
ils ont raison de le faire
une année incertaine une immersible vallée
en séries variables toutes les têtes tranchées
comme les poules tu oublies tout de suite
ta douleur pas tes amours pas tes amours
la steppe kalmouque fera aussi bien l’affaire
je voulais prendre un train et rouler vers le sud
je suis restée là enfermée dans ma chambre
à feuilleter
 Course et Jihad islamique

revoir à temps ou perdre à nouveau
c’est se déplacer en babouches
ici le sujet prend des allures parentales
trop relire les livres  affecte les héroïnes
sauvages nous avons cessé de l’être
Akram retrouve ici les gâteaux de son enfance
il dit à Beyrouth la guerre nous a sauvés du tourisme
muet notre film sera en noir et blanc
nous le verrons plus tard en buvant du Jack Daniel
et surtout pas du Black and White
pourquoi à Brooklyn les pellicules
Noir et Blanc se désignent White and Black
inverser les mots peut-il changer les couleurs
est-ce que le blanc et le noir sont encore des couleurs
si oui tous nos livres noir sur blanc
sont des livres en couleur

passer à la ligne se la joue plus moderne
coude à coude l’invisible armada
scintille sous les feuilles
les asticots s’y trompent
être malade rend la vie plus chère
poésie pratique ou préservatif à goût de vulve
certains le disent d’autres l’entendent
trop écrire ou bouger les fesses
mais d’une autre manière j’y pense
puis j’oublie ciné-poème tajine-poisson
fumer à Amsterdam ou dormir à Tanger

n’importe qui Martine Broda Danièle Collobert
anque donnete l’hanno fato 
il semble
messieurs que les femmes ces temps ci
le font plutôt mieux la mort se fait
longtemps après l’amour c’est Eckermann
poubelle de Goethe qui sert de révélateur
ce qui fait réfléchir sur tout et même
sur quelque chose de plus à savoir le sachant
que tous les morts vont vite vider les lieux
c’est pour les vivants retour des mêmes mots
n’est pas monotone Der Tod au masculin
rend Lénore hétéro ici dans la langue
qui nous occupe c’est plus gay (homonyme lesbien)
la mort aime Lénore Danielle ou Martine
ces dernières chevauchant amazones volontaires
le féroce chasseur au visage tourné
qui voyage si tard par la pluie et le vent
ne menace plus grand-chose

deux contre deux Paul Celan ou Gherasim Luca
les hommes prennent l’eau « Garçon 2 vodkas
et un peu moins de blizzard ! » sur le Herengracht
nous avons vu 3 cygnes ouvrant leurs ailes
simple rideau de pluie elles sont plus heureuses
dans un séjour plus beau quelle foutaise
puisque dans l’art comme dans la mort
rien n’est frivole l’idiotie postée avec retard
oblitère les meubles Marie Pleyel attachée
à son piano par une laisse et s’y abreuvant de punch
c’était à Vienne un épisode avec charades
toutes en sont friandes puis Bruxelles
en chemin vers l’Allemagne pour y rejoindre
un druse (ceux là croyaient que le Christ
s’était sacrifié pour le messie authentique
caché parmi les apôtres sous le nom d’Eléazar)
si le hasard est grand il faut cesser de l’interroger

misogyne moi ? Vous rigolez ! l’idée de terrier
reste à creuser… Celles que j’étais elles sont où ?
boire du Bols en mangeant des réglisses allonge les soirées
par temps d’orage ici le ciel se vide et l’incendie
se propage allumez vos phares soulagez vos vessies
les noms des marins sont d’origine turque
un garçon transporte du pain sur son dos
et des vieillards proposent des colliers
aux femmes espagnoles Choukri parle
de La villa Harris bien avant Hocquard
aujourd’hui vendredi mon poème
porte une djellaba blanche
informer c’est donner une forme
autrement dit faire le point
mais le poème ne traverse rien
il n’informe personne
syntaxiquement votre je tourne et retourne
dans ma tête mille épisodes vécus
œdipe soulage la libido de sa mère
sa sœur aime la pastilla
tu n’es plus toi ni une autre
Penthésilée a longtemps été situationniste
jamais encore transformiste
les spécialistes mettront du temps à s’en remettre
et toi comme les autres pas foutue
à ton âge d’oser une rime
je le fais je le fais maman regarde moi

la pornographie soulage Perséphone
appelez moi écrivez moi n’oubliez personne

Amsterdam, Tanger 
Mai-juin 2009                   



$ La Gazette des Jockeys Camouflés n.13on Issuu

La Gazette des Jockeys Camouflés est un tabloïd mensuel de littérature installé dans les marges de la collection Les Jockeys Camouflés publié par Bãzãr édition en 2013. Parce que la poésie est inadmissible, le poème y tiendra une grande part avec des traductions inédites de poètes étrangers et des interventions d’auteurs contemporains